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Les corons de la Coto

L’usine stéphanaise La Cotonnière (1865 – 1932) a été le plus grand employeur textile de Normandie. Deux quartiers de la ville gardent le témoignage de cette histoire… belge. La « Coto » a mis la clé sous la porte en
1932 après deux années d’agonie. La
crise financière de 1929, conjuguée
à l’achat de cotons de mauvaise qualité,
auront eu raison de ce qui fut l’usine de
filage et de tissage la plus importante
de Normandie avec, dans
les meilleures années, jusqu’à
2 500 ouvriers. Ce lent naufrage
économique aura toutefois laissé
intact deux quartiers stéphanais,
ceux de l’Industrie et des rues Vaillant-
Couturier et Salengro. Quant aux bâtiments
de l’usine disparue, en bordure du boulevard
Lénine, ils abritent encore aujourd’hui les
activités industrielles des sociétés Autoliv et
Morpho (ex-Sagem).
« La Cotonnière marque le début de l’urbanisation
de Saint-Étienne-du-Rouvray
qui n’était encore, en 1865, qu’un
bourg agricole, explique Pierre
Ménard, membre de l’atelier Histoire
et patrimoine du centre socioculturel
Georges-Déziré. C’était la
seule commune de l’agglomération encore
sans industrie et disposant de terrains libres
19
en bord de Seine. »
La société fondatrice de l’usine stéphanaise
était belge, ajoute l’historien, « son propriétaire
était un industriel bruxellois, Émile
Scheppers, c’est sans doute pour cette raison
qu’il fera venir des compatriotes belges
des usines textiles proches de Rouen, pour
démarrer son nouveau site stéphanais ».
Le sentiment de se trouver devant des
corons du Nord ou de Belgique n’est donc
pas totalement infondé lorsqu’on regarde
les maisons à un étage, étroites, en brique
rouge, qui se serrent le long de la rue de
Moor. « Les maisons du quartier de l’Industrie
offraient un confort minimum, précise
Pierre Ménard, on y trouvait beaucoup de
célibataires. Les rues Vaillant-Couturier et
Salengro, fondées en 1926, accueilleront
plutôt des familles nombreuses. Mais dans
les deux cas, on y loge surtout des ouvriers. »
Loin d’être un effet de la bonté du patron,
ces logements étaient surtout la traduction
urbaine de son « paternalisme », comme
l’explique l’architecte-sociologue Jean-
Pierre Frey, auteur de plusieurs ouvrages
sur l’urbanisme
pat rona l . « L e
patron s’assurait
ainsi la f idél i té
d’une main-d’oeuvre
qui avai t besoin
d’être qualifiée. »
Le paternalisme ne
s’arrêtait d’ailleurs
pas au logement,
la Coto avait également
créé une
bibliothèque, une
pharmacie, une crèche, un hôpital, des
écoles, une chapelle… « Et pour fidéliser
la main-d’oeuvre, poursuit l’architectesociologue,
il fallait la coincer d’une manière
ou d’une autre, toucher à tous les aspects
de la vie, du berceau au cercueil. Et ceux
qui refusaient la combine étaient éjectés. »
La critique de ces logements viendra donc
logiquement des milieux révolutionnaires,
qui, pointe Jean-Pierre Frey, stigmatisaient
« ces ouvriers qui préfèrent cultiver leur
jardin au lieu de faire la révolution ».

Journées du
patrimoine :
le programme
Deux visites urbaines sont
organisées sur la commune à
l’occasion des journées du patrimoine
samedi 17 et dimanche
18 septembre. Samedi 17 septembre,
rendez-vous à 15 heures sur la place
de la gare, pour une découverte des
quartiers de l’Industrie et des rues
Vaillant-Couturier et Salengro (lire
ci-contre). On y apprendra notamment
dans quelles circonstances et comment
a disparu l’un des anciens directeurs
de La Cotonnière, le Belge Georges de
Moor, et à la suite de quelles successions
foncières, ladite Cotonnière a
acheté l’actuel parc Henri-Barbusse et
ses environs en 1925…
Dimanche 18 septembre, rendez-vous
également à 15 heures, place de
l’Église pour une découverte du bourg
ancien.

Dans les coulisses
du Rive Gauche
Le centre culturel Le Rive Gauche,
service municipal stéphanais,
ouvrira également ses portes
et ses coulisses à l’occasion
des journées du patrimoine.
INFOS Samedi 17 septembre, 15 heures.
Entrée libre. Réservations obligatoires
au 02 32 91 94 94.

L’usine stéphanaise La Cotonnière (1865 – 1932) a été le plus grand employeur textile de Normandie. Deux quartiers de la ville gardent le témoignage de cette histoire… belge. La « Coto » a mis la clé sous la porte en
1932 après deux années d’agonie. La
crise financière de 1929, conjuguée
à l’achat de cotons de mauvaise qualité,
auront eu raison de ce qui fut l’usine de
filage et de tissage la plus importante
de Normandie avec, dans
les meilleures années, jusqu’à
2 500 ouvriers. Ce lent naufrage
économique aura toutefois laissé
intact deux quartiers stéphanais,
ceux de l’Industrie et des rues Vaillant-
Couturier et Salengro. Quant aux bâtiments
de l’usine disparue, en bordure du boulevard
Lénine, ils abritent encore aujourd’hui les
activités industrielles des sociétés Autoliv et
Morpho (ex-Sagem).
« La Cotonnière marque le début de l’urbanisation
de Saint-Étienne-du-Rouvray
qui n’était encore, en 1865, qu’un
bourg agricole, explique Pierre
Ménard, membre de l’atelier Histoire
et patrimoine du centre socioculturel
Georges-Déziré. C’était la
seule commune de l’agglomération encore
sans industrie et disposant de terrains libres
19
en bord de Seine. »
La société fondatrice de l’usine stéphanaise
était belge, ajoute l’historien, « son propriétaire
était un industriel bruxellois, Émile
Scheppers, c’est sans doute pour cette raison
qu’il fera venir des compatriotes belges
des usines textiles proches de Rouen, pour
démarrer son nouveau site stéphanais ».
Le sentiment de se trouver devant des
corons du Nord ou de Belgique n’est donc
pas totalement infondé lorsqu’on regarde
les maisons à un étage, étroites, en brique
rouge, qui se serrent le long de la rue de
Moor. « Les maisons du quartier de l’Industrie
offraient un confort minimum, précise
Pierre Ménard, on y trouvait beaucoup de
célibataires. Les rues Vaillant-Couturier et
Salengro, fondées en 1926, accueilleront
plutôt des familles nombreuses. Mais dans
les deux cas, on y loge surtout des ouvriers. »
Loin d’être un effet de la bonté du patron,
ces logements étaient surtout la traduction
urbaine de son « paternalisme », comme
l’explique l’architecte-sociologue Jean-
Pierre Frey, auteur de plusieurs ouvrages
sur l’urbanisme
pat rona l . « L e
patron s’assurait
ainsi la f idél i té
d’une main-d’oeuvre
qui avai t besoin
d’être qualifiée. »
Le paternalisme ne
s’arrêtait d’ailleurs
pas au logement,
la Coto avait également
créé une
bibliothèque, une
pharmacie, une crèche, un hôpital, des
écoles, une chapelle… « Et pour fidéliser
la main-d’oeuvre, poursuit l’architectesociologue,
il fallait la coincer d’une manière
ou d’une autre, toucher à tous les aspects
de la vie, du berceau au cercueil. Et ceux
qui refusaient la combine étaient éjectés. »
La critique de ces logements viendra donc
logiquement des milieux révolutionnaires,
qui, pointe Jean-Pierre Frey, stigmatisaient
« ces ouvriers qui préfèrent cultiver leur
jardin au lieu de faire la révolution ».

Journées du
patrimoine :
le programme
Deux visites urbaines sont
organisées sur la commune à
l’occasion des journées du patrimoine
samedi 17 et dimanche
18 septembre. Samedi 17 septembre,
rendez-vous à 15 heures sur la place
de la gare, pour une découverte des
quartiers de l’Industrie et des rues
Vaillant-Couturier et Salengro (lire
ci-contre). On y apprendra notamment
dans quelles circonstances et comment
a disparu l’un des anciens directeurs
de La Cotonnière, le Belge Georges de
Moor, et à la suite de quelles successions
foncières, ladite Cotonnière a
acheté l’actuel parc Henri-Barbusse et
ses environs en 1925…
Dimanche 18 septembre, rendez-vous
également à 15 heures, place de
l’Église pour une découverte du bourg
ancien.

Dans les coulisses
du Rive Gauche
Le centre culturel Le Rive Gauche,
service municipal stéphanais,
ouvrira également ses portes
et ses coulisses à l’occasion
des journées du patrimoine.
INFOS Samedi 17 septembre, 15 heures.
Entrée libre. Réservations obligatoires
au 02 32 91 94 94.