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NOMDEBILEVILLE EN SEINE: la très difficile question de nommer un « nouveau » territoire.

« Notre héritage n’est précédé d’aucun testament. »

                                                                             René Char

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Les poètes nous avertissent… Tout comme les noms poétiques de nos villages normands.

Nous vivons une crise identitaire profonde en ce sens qu’il n’y a plus de bien commun ou de patrimoine hérité qui pourraient s’imposer à tous par la seule force de leur évidence…

Après des années de déconstruction idéologique des institutions, des idéologies, des traditions héritées encadrant les individus désireux, parfois à juste titre, de se libérer d’une civilisation multi-séculaire jugée aliénante, nous voici sur le marché, puisque c’est désormais le seul dénominateur commun qui demeure pour relier des individus libres mais plus ou moins complétement détachés de tout lien de transmission avec le passé, « désaffiliés » comme l’a très lucidement diagnostiqué le philosophe normand Marcel Gauchet s’inquiétant de l’effondrement actuel de tout ce qui pourrait nous aider à faire société au delà des intérêts immédiats d’individus égoïstes ne voyant midi qu’à leurs portes.

Après l’effondrement de la pratique religieuse, l’effondrement de la pratique politique et le replis sur la sphère strictement professionnelle (qui n’empêche pas l’évaporation de la valeur travail dans la précarité et l’incertitude de l’ubérisation) ou familiale (qui n’empêche pas aussi l’éclatement du cadre familial lui-même), malgré la résistance (pour combien de temps encore?) de l’encadrement associatif (loi 1901) qui devient, dans cet effondrement général, le dernier pilier de notre République (elle-même directement attaquée: les laïcards doivent cesser de se réjouir de la disparition des catholiques pratiquants, ils sont les prochains sur la liste des espèces en voie de disparition), arrive maintenant un effondrement encore plus fondamental que les autres et cet effondrement donne l’impression que c’est le plancher des vaches, lui-même, qui se dérobe sous nos pieds en faisant disparaître un bon millénaire si ce n’est plus, de stabilité dans les grands repères collectifs encore utiles aux individus pour qu’ils puissent encore savoir par eux-mêmes ce qu’ils sont avant qu’ils ne soient définitivement obligés de se transformer en entreprises d’eux-mêmes pour survivre non plus dans une collectivité ou une société mais dans un marché à la fois local et global.

Voici que désormais disparaissent les noms séculaires des communes, qui sont à la géographie nationale française ce que les familles étaient encore, il y a peu, à la société, à savoir, des « cellules de base »: les bobos métropolitains déjà de plein pied dans la mondialisation libérale (voire libertarienne), ces individus déjà transformés en entreprises (pour reprendre la prophétie d’un Michel Foucault qui annonçait dès 1980 la « mort de l’Homme » et son remplacement par l’individu-entreprise), n’en auront rien à cirer de ces nouveaux débats métaphysiques qui agitent désormais nos campagnes.

Il ne s’agit plus de savoir s’il faut ou non ondoyer un enfant mort-né, s’il faut exiger la relapse d’une fille protestante pour qu’elle se marie avec un bon catholique, si l’on peut avorter ou non, si on a le droit de ne pas croire dans le petit Jésus, si l’on doit reconnaître ou non un enfant naturel, épouser un syndicaliste, un militant communiste ou un ancien de l’OAS, si l’on peut voter dès 18 ans ou non, si une femme peut porter un pantalon ou non ou aller « en cheveux » dans la rue, si l’on doit tolérer certains propos de table sur les étrangers ou sur la fraude fiscale… Il ne s’agit pas de discuter de l’avenir de la sécurité sociale, de la hausse des salaires, de la fin des services publics dans les territoires ruraux ou de la vie quotidienne de nos aînés dans leurs mouroirs…

Il s’agit de savoir si habiter à Nomdébileville en Seine vous plaît ou non!

http://www.fayard.fr/linsecurite-culturelle-9782213672199

L'insécurité culturelle

Laurent Bouvet a récemment mis le doigt sur l’un des principaux impensés de nos élites politico-médiatiques parisiennes: la plupart de nos concitoyens éprouvent une véritable « insécurité culturelle » et la valse des noms de commune remplacés par des noms valises pondus par on ne sait par quels mercenaires de l’imagination payés par des élus locaux plutôt incompétents et dépassés par cette question qui ne s’était jamais posée pendant plus de mille ans, ne fait que l’exacerber : les questions identitaires prennent ainsi le pas sur des questions politiques plus essentielles (notamment la question sociale qui se pose plus que jamais avec une explosion inédite des inégalités depuis la fin de la Seconde guerre mondiale).

On sait que la France de 2016 disposait encore de plus de 35 000 communes à tel point que la carte communale de la République était, à peu de choses près, la carte paroissiale de la France de Louis XVI en 1789. On sait que 25% des collectivités de base des pays membres de l’Union européenne sont en France et que 25% des communes françaises étaient en Normandie, région autrefois si riche par ses ressources agricoles que 20 feux suffisaient à nourrir un curé et constituer une paroisse.

L’heure est donc à la fusion et à la rationalisation. Et on sait que la fusion normande est l’exception qui confirme la règle: la région géo-historique ainsi que son nom illustre et évident pour tout le monde partout dans le Monde préexistaient avec bonheur et on sait que le bel exemple normand a servi à vendre ailleurs un charcutage territorial de nos belles provinces disparues dans de grands machins néo-régionaux qui ne ressemblent à rien.

A l’échelle infra-régional on trouve la même passion inutile de la fusion pour la fusion avec une idéologie comptable et managériale qui laboure nos campagnes et une identité séculaire: ne plus savoir comment se nomme le lieu où j’habite et s’en remettre à des pubeux sans âme ni culture pour se trouver un nom (on l’a vu pour les « noms » de certaines des nouvelles « régions »), ou pire, s’en remettre au « naming » (nommer un territoire comme une marque de savonnette ou en utilisant une marque commerciale bien connue pour nommer un bâtiment public: Kinderaréna à Rouen ou Ikéacentre à Caen), nous précipitent dans un enfer identitaire dont personne ne voulait.

Et voici que nous nous écharpons sur des questions identitaires qui ne devraient pas se poser alors qu’il y aurait tant affaire et tant d’urgences à suivre et à défendre pour éviter, comme nous le recommandait déjà un Albert Camus, « que ce monde-ci ne se défasse ».

Et pourtant, qu’ils sont beaux dans leur étrangeté nos noms de villages normands:

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Exemples, à l’avenant…

Moon sur Elle,

Ry,

Pennedepie,

Anglesqueville la bien tournée,

Cordebugles,

Ecoquenéauville,

Champrepus,

Sahurs,

Saint Fraimbault sur Pisse,

Sainte Honorine des Pertes,

Veules les Roses


  • Lire avec intérêt l’article de Paris-Normandie ci-dessous:

http://www.paris-normandie.fr/actualites/politique/mesnil-en-ouche-rives-en-seine-ou-port-jerome-sur-seine-trois-communes-nouvelles-en-quete-d-identite-EH7797237?utm_source=Utilisateurs+du+site+LA+NEWS&utm_campaign=63b0635c92-RSS_EMAIL_CAMPAIGN&utm_medium=email&utm_term=0_233027d23b-63b0635c92-137315997

Mesnil-en-Ouche, Rives-en-Seine ou Port-Jérôme-sur-Seine, trois communes nouvelles en quête d’identité

Publié 17/12/2016 á 20H10

Droit de suite.

Les premières communes nouvelles ont été créées le 1er janvier dernier. Un an après, le bilan reste mitigé à cause de noms trop techniques, de territoires mal définis et d’un manque de démocratie locale.

Mesnil-en-Ouche est depuis le 1er janvier la plus grande commune de l’Eure. Tout du moins en superficie puisque cette commune nouvelle au sud de Bernay affiche au compteur 165 kilomètres carrés. Mais, avec 4 722 habitants, on se retrouve avec une densité de 29 habitants au kilomètre carré. Car Mesnil-en-Ouche, c’est la fusion de 16 villages qui correspond au périmètre du canton de Beaumesnil, moins un, Le Noyer-en-Ouche qui a préféré conserver sa singularité. «Je n’ai pas voulu me soumettre, car une commune peuplée de hameaux et de villages tous distants de plusieurs kilomètres les uns des autres, ça ne peut pas marcher» assure Lydie Pottier, l’élue récalcitrante. Sur le papier, l’affaire paraît, en effet bien compliquée. 3 000 voies communales et 500 d’entre elles portent le même nom et doivent donc en changer ; à ce jour, toujours 16 secrétaires de mairie, 16 états civils pour 4 722 habitants, sans compter un conseil municipal de 73 élus. À titre de comparaison, le conseil municipal de Rouen en compte 55. Bref, en chiffres, Mesnil-en-Ouche est un schmilblick dans une organisation des collectivités où plus personne ne semble savoir où il habite.

«On ne pouvait trouver un nom plus tarte»

Pourtant, Jean-Michel Montier, le maire de la commune nouvelle, est convaincu d’avoir fait le seul choix possible. Et il évoque d’emblée l’absorption de la com-com du canton de Beaumesnil dans une super com’com de Bernay Terre de Normandie, fruit de la fusion de cinq communautés. Pas sûr que ça clarifie le débat. « Notre com’com qui regroupe déjà les 16 villages possède une compétence scolaire que Bernay Terre de Normandie ne veut pas. La seule solution pour la conserver, c’était de fusionner nos seize municipalités en une commune nouvelle» explique Jean-Michel Montier. Si le raisonnement se tient, il reste, néanmoins que Mesnil-en-Ouche reste un cas d’école si l’on peut dire. «C’est vrai que c’est un peu la pagaille et j’admets que le citoyen est perdu» concède le maire de Mesnil-en-Ouche. «Mais les choses vont progresser jusqu’aux municipales de 2020» assure Jean-Michel Montier. Même s’il ne s’avance guère sur le sort des 16 mairies et de leur personnel respectif, l’élu soutient que les villages dans les zones rurales désertifiées comme le Pays d’Ouche sont condamnés à disparaître dans leur entité historique. Justement, trois communes très identifiées par leur histoire sur la vallée de Seine, ont également choisi la fusion. Il s’agit de Villequier, Caudebec-en-Caux et Saint-Wandrille-Rançon qui ont fusionné sous le nom de Rives-en-Seine.

«On ne pouvait pas trouver un nom plus tarte» s’exclame Martine, une retraitée de Caudebec, attachée à son identité. On ne peut guère la blâmer, car Rives-en-Seine semble tout droit sorti d’un logiciel. Bastien Coriton, le maire de la commune nouvelle, s’en défend puisque le nom a été soumis à consultation de la population. «Nous souhaitions un nom neutre, car nos trois communes ont des identités très fortes» assure l’ambitieux maire socialiste. Mais un peu gêné aux entournures, car il faudra insister en se rendant en mairie et en multipliant les textos pour obtenir un entretien. «On s’est déjà tellement fait allumer dans les médias pour Rives-en-Seine» soupire-t-il en guise d’excuses après une semaine de tergiversations. Pourtant, à l’entendre, la commune nouvelle a déjà fait évoluer la vie quotidienne, notamment en étendant aux trois villes, le transport à la demande initié par Caudebec, le financement d’activités pour les aînés, des mutualisations pour de meilleurs services. Mais si dans la ville-centre, on se moque du nom Rives-en-Seine, à Villequier et à Saint-Wandrille-Rançon, les habitants sont plus acerbes. «M. Coriton veut toujours plus de pouvoir. La preuve, pour un projet d’aménagement du bourg de Saint-Wandrille, il faut s’adresser à lui désormais» explique Manu, l’épicier du village. «La fusion, c’est 20% d’augmentation des impôts pour être à la hauteur de ceux de Caudebec» fulmine une habitante de Villequier. Même si Bastien Coriton ne réfute pas, il minimise assurant une collégialité des décisions avec ses deux collègues. Mais dans les trois villages, personne ne semble dupe. «À Rives-en-Seine, c’est lui le patron» entend-on.

Autre ambiance plus détendue à Port-Jérôme-sur-Seine, fusion de quatre communes autour de Notre-Dame-de-Gravenchon (1). Virginie Carolo, maire de Port-Jérôme-sur-Seine s’empresse de s’entretenir avec nous sur une première année pleine de promesses. «Le nom fonctionne, il est bien identifié, surtout à l’extérieur» se félicite l’élue. Celle-ci ne nie pas que les Gravenchonnais râlent toujours un peu et s’affirment souvent gravenchonnais, ce que nous avons constaté… Mais, de toute évidence, les craintes se dissipent. À Auberville-la-Campagne où l’hostilité était forte l’an passé, la fusion est désormais bien acceptée. «C’est vrai qu’il y avait des craintes autour de l’école, d’une absorption de notre village, d’une hausse des impôts» explique Jean-Marie, le président du club de pétanque local. «Mais dans le fond, on s’aperçoit qu’on peut profiter des richesses de Port-Jérôme-sur-Seine.» Virginie Carolo est convaincu que la diversité politique au sein de la commune nouvelle est un atout. «On apprend à se faire confiance et du coup, les projets avancent même plus vite que prévu.» Reste une frustration des habitants pour toutes les communes nouvelles, celle de ne pas avoir été consulté par référendum sur ces fusions. À chaque fois, les élus gênés, éludent la question, prétextant qu’il fallait faire vite pour profiter de dotations d’États incitatives.

Le seul à faire preuve d’honnêteté, c’est Jean-Michel Mortier, le maire de Mesnil-en-Ouche. «À la préfecture, on nous l’a déconseillé, car on était sûr de le perdre.» La commune nouvelle ou l’art d’administrer contre la majorité de ses habitants…

Philippe LENOIR

(1) Touffreville-la-Câble, Triquerville et Auberville-la-Campagne.

L’article de l’époque

Dans nos éditions du 15 novembre, nous faisions déjà un droit de suite sur les fusions de communes. En focus, nous évoquions le cas de Port-Jérôme-sur-Seine réunissant les communes de Notre-Dame-de-Gravenchon. À l’époque, si les élus, dont Virginie Carolo, future maire de la commune nouvelle, étaient très confiants sur la réussite, les habitants se montraient très inquiets, voire hostiles.

« Notre héritage n’est précédé d’aucun testament. »

                                                                             René Char

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Les poètes nous avertissent… Tout comme les noms poétiques de nos villages normands.

Nous vivons une crise identitaire profonde en ce sens qu’il n’y a plus de bien commun ou de patrimoine hérité qui pourraient s’imposer à tous par la seule force de leur évidence…

Après des années de déconstruction idéologique des institutions, des idéologies, des traditions héritées encadrant les individus désireux, parfois à juste titre, de se libérer d’une civilisation multi-séculaire jugée aliénante, nous voici sur le marché, puisque c’est désormais le seul dénominateur commun qui demeure pour relier des individus libres mais plus ou moins complétement détachés de tout lien de transmission avec le passé, « désaffiliés » comme l’a très lucidement diagnostiqué le philosophe normand Marcel Gauchet s’inquiétant de l’effondrement actuel de tout ce qui pourrait nous aider à faire société au delà des intérêts immédiats d’individus égoïstes ne voyant midi qu’à leurs portes.

Après l’effondrement de la pratique religieuse, l’effondrement de la pratique politique et le replis sur la sphère strictement professionnelle (qui n’empêche pas l’évaporation de la valeur travail dans la précarité et l’incertitude de l’ubérisation) ou familiale (qui n’empêche pas aussi l’éclatement du cadre familial lui-même), malgré la résistance (pour combien de temps encore?) de l’encadrement associatif (loi 1901) qui devient, dans cet effondrement général, le dernier pilier de notre République (elle-même directement attaquée: les laïcards doivent cesser de se réjouir de la disparition des catholiques pratiquants, ils sont les prochains sur la liste des espèces en voie de disparition), arrive maintenant un effondrement encore plus fondamental que les autres et cet effondrement donne l’impression que c’est le plancher des vaches, lui-même, qui se dérobe sous nos pieds en faisant disparaître un bon millénaire si ce n’est plus, de stabilité dans les grands repères collectifs encore utiles aux individus pour qu’ils puissent encore savoir par eux-mêmes ce qu’ils sont avant qu’ils ne soient définitivement obligés de se transformer en entreprises d’eux-mêmes pour survivre non plus dans une collectivité ou une société mais dans un marché à la fois local et global.

Voici que désormais disparaissent les noms séculaires des communes, qui sont à la géographie nationale française ce que les familles étaient encore, il y a peu, à la société, à savoir, des « cellules de base »: les bobos métropolitains déjà de plein pied dans la mondialisation libérale (voire libertarienne), ces individus déjà transformés en entreprises (pour reprendre la prophétie d’un Michel Foucault qui annonçait dès 1980 la « mort de l’Homme » et son remplacement par l’individu-entreprise), n’en auront rien à cirer de ces nouveaux débats métaphysiques qui agitent désormais nos campagnes.

Il ne s’agit plus de savoir s’il faut ou non ondoyer un enfant mort-né, s’il faut exiger la relapse d’une fille protestante pour qu’elle se marie avec un bon catholique, si l’on peut avorter ou non, si on a le droit de ne pas croire dans le petit Jésus, si l’on doit reconnaître ou non un enfant naturel, épouser un syndicaliste, un militant communiste ou un ancien de l’OAS, si l’on peut voter dès 18 ans ou non, si une femme peut porter un pantalon ou non ou aller « en cheveux » dans la rue, si l’on doit tolérer certains propos de table sur les étrangers ou sur la fraude fiscale… Il ne s’agit pas de discuter de l’avenir de la sécurité sociale, de la hausse des salaires, de la fin des services publics dans les territoires ruraux ou de la vie quotidienne de nos aînés dans leurs mouroirs…

Il s’agit de savoir si habiter à Nomdébileville en Seine vous plaît ou non!

http://www.fayard.fr/linsecurite-culturelle-9782213672199

L'insécurité culturelle

Laurent Bouvet a récemment mis le doigt sur l’un des principaux impensés de nos élites politico-médiatiques parisiennes: la plupart de nos concitoyens éprouvent une véritable « insécurité culturelle » et la valse des noms de commune remplacés par des noms valises pondus par on ne sait par quels mercenaires de l’imagination payés par des élus locaux plutôt incompétents et dépassés par cette question qui ne s’était jamais posée pendant plus de mille ans, ne fait que l’exacerber : les questions identitaires prennent ainsi le pas sur des questions politiques plus essentielles (notamment la question sociale qui se pose plus que jamais avec une explosion inédite des inégalités depuis la fin de la Seconde guerre mondiale).

On sait que la France de 2016 disposait encore de plus de 35 000 communes à tel point que la carte communale de la République était, à peu de choses près, la carte paroissiale de la France de Louis XVI en 1789. On sait que 25% des collectivités de base des pays membres de l’Union européenne sont en France et que 25% des communes françaises étaient en Normandie, région autrefois si riche par ses ressources agricoles que 20 feux suffisaient à nourrir un curé et constituer une paroisse.

L’heure est donc à la fusion et à la rationalisation. Et on sait que la fusion normande est l’exception qui confirme la règle: la région géo-historique ainsi que son nom illustre et évident pour tout le monde partout dans le Monde préexistaient avec bonheur et on sait que le bel exemple normand a servi à vendre ailleurs un charcutage territorial de nos belles provinces disparues dans de grands machins néo-régionaux qui ne ressemblent à rien.

A l’échelle infra-régional on trouve la même passion inutile de la fusion pour la fusion avec une idéologie comptable et managériale qui laboure nos campagnes et une identité séculaire: ne plus savoir comment se nomme le lieu où j’habite et s’en remettre à des pubeux sans âme ni culture pour se trouver un nom (on l’a vu pour les « noms » de certaines des nouvelles « régions »), ou pire, s’en remettre au « naming » (nommer un territoire comme une marque de savonnette ou en utilisant une marque commerciale bien connue pour nommer un bâtiment public: Kinderaréna à Rouen ou Ikéacentre à Caen), nous précipitent dans un enfer identitaire dont personne ne voulait.

Et voici que nous nous écharpons sur des questions identitaires qui ne devraient pas se poser alors qu’il y aurait tant affaire et tant d’urgences à suivre et à défendre pour éviter, comme nous le recommandait déjà un Albert Camus, « que ce monde-ci ne se défasse ».

Et pourtant, qu’ils sont beaux dans leur étrangeté nos noms de villages normands:

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Exemples, à l’avenant…

Moon sur Elle,

Ry,

Pennedepie,

Anglesqueville la bien tournée,

Cordebugles,

Ecoquenéauville,

Champrepus,

Sahurs,

Saint Fraimbault sur Pisse,

Sainte Honorine des Pertes,

Veules les Roses


  • Lire avec intérêt l’article de Paris-Normandie ci-dessous:

http://www.paris-normandie.fr/actualites/politique/mesnil-en-ouche-rives-en-seine-ou-port-jerome-sur-seine-trois-communes-nouvelles-en-quete-d-identite-EH7797237?utm_source=Utilisateurs+du+site+LA+NEWS&utm_campaign=63b0635c92-RSS_EMAIL_CAMPAIGN&utm_medium=email&utm_term=0_233027d23b-63b0635c92-137315997

Mesnil-en-Ouche, Rives-en-Seine ou Port-Jérôme-sur-Seine, trois communes nouvelles en quête d’identité

Publié 17/12/2016 á 20H10

Droit de suite.

Les premières communes nouvelles ont été créées le 1er janvier dernier. Un an après, le bilan reste mitigé à cause de noms trop techniques, de territoires mal définis et d’un manque de démocratie locale.

Mesnil-en-Ouche est depuis le 1er janvier la plus grande commune de l’Eure. Tout du moins en superficie puisque cette commune nouvelle au sud de Bernay affiche au compteur 165 kilomètres carrés. Mais, avec 4 722 habitants, on se retrouve avec une densité de 29 habitants au kilomètre carré. Car Mesnil-en-Ouche, c’est la fusion de 16 villages qui correspond au périmètre du canton de Beaumesnil, moins un, Le Noyer-en-Ouche qui a préféré conserver sa singularité. «Je n’ai pas voulu me soumettre, car une commune peuplée de hameaux et de villages tous distants de plusieurs kilomètres les uns des autres, ça ne peut pas marcher» assure Lydie Pottier, l’élue récalcitrante. Sur le papier, l’affaire paraît, en effet bien compliquée. 3 000 voies communales et 500 d’entre elles portent le même nom et doivent donc en changer ; à ce jour, toujours 16 secrétaires de mairie, 16 états civils pour 4 722 habitants, sans compter un conseil municipal de 73 élus. À titre de comparaison, le conseil municipal de Rouen en compte 55. Bref, en chiffres, Mesnil-en-Ouche est un schmilblick dans une organisation des collectivités où plus personne ne semble savoir où il habite.

«On ne pouvait trouver un nom plus tarte»

Pourtant, Jean-Michel Montier, le maire de la commune nouvelle, est convaincu d’avoir fait le seul choix possible. Et il évoque d’emblée l’absorption de la com-com du canton de Beaumesnil dans une super com’com de Bernay Terre de Normandie, fruit de la fusion de cinq communautés. Pas sûr que ça clarifie le débat. « Notre com’com qui regroupe déjà les 16 villages possède une compétence scolaire que Bernay Terre de Normandie ne veut pas. La seule solution pour la conserver, c’était de fusionner nos seize municipalités en une commune nouvelle» explique Jean-Michel Montier. Si le raisonnement se tient, il reste, néanmoins que Mesnil-en-Ouche reste un cas d’école si l’on peut dire. «C’est vrai que c’est un peu la pagaille et j’admets que le citoyen est perdu» concède le maire de Mesnil-en-Ouche. «Mais les choses vont progresser jusqu’aux municipales de 2020» assure Jean-Michel Montier. Même s’il ne s’avance guère sur le sort des 16 mairies et de leur personnel respectif, l’élu soutient que les villages dans les zones rurales désertifiées comme le Pays d’Ouche sont condamnés à disparaître dans leur entité historique. Justement, trois communes très identifiées par leur histoire sur la vallée de Seine, ont également choisi la fusion. Il s’agit de Villequier, Caudebec-en-Caux et Saint-Wandrille-Rançon qui ont fusionné sous le nom de Rives-en-Seine.

«On ne pouvait pas trouver un nom plus tarte» s’exclame Martine, une retraitée de Caudebec, attachée à son identité. On ne peut guère la blâmer, car Rives-en-Seine semble tout droit sorti d’un logiciel. Bastien Coriton, le maire de la commune nouvelle, s’en défend puisque le nom a été soumis à consultation de la population. «Nous souhaitions un nom neutre, car nos trois communes ont des identités très fortes» assure l’ambitieux maire socialiste. Mais un peu gêné aux entournures, car il faudra insister en se rendant en mairie et en multipliant les textos pour obtenir un entretien. «On s’est déjà tellement fait allumer dans les médias pour Rives-en-Seine» soupire-t-il en guise d’excuses après une semaine de tergiversations. Pourtant, à l’entendre, la commune nouvelle a déjà fait évoluer la vie quotidienne, notamment en étendant aux trois villes, le transport à la demande initié par Caudebec, le financement d’activités pour les aînés, des mutualisations pour de meilleurs services. Mais si dans la ville-centre, on se moque du nom Rives-en-Seine, à Villequier et à Saint-Wandrille-Rançon, les habitants sont plus acerbes. «M. Coriton veut toujours plus de pouvoir. La preuve, pour un projet d’aménagement du bourg de Saint-Wandrille, il faut s’adresser à lui désormais» explique Manu, l’épicier du village. «La fusion, c’est 20% d’augmentation des impôts pour être à la hauteur de ceux de Caudebec» fulmine une habitante de Villequier. Même si Bastien Coriton ne réfute pas, il minimise assurant une collégialité des décisions avec ses deux collègues. Mais dans les trois villages, personne ne semble dupe. «À Rives-en-Seine, c’est lui le patron» entend-on.

Autre ambiance plus détendue à Port-Jérôme-sur-Seine, fusion de quatre communes autour de Notre-Dame-de-Gravenchon (1). Virginie Carolo, maire de Port-Jérôme-sur-Seine s’empresse de s’entretenir avec nous sur une première année pleine de promesses. «Le nom fonctionne, il est bien identifié, surtout à l’extérieur» se félicite l’élue. Celle-ci ne nie pas que les Gravenchonnais râlent toujours un peu et s’affirment souvent gravenchonnais, ce que nous avons constaté… Mais, de toute évidence, les craintes se dissipent. À Auberville-la-Campagne où l’hostilité était forte l’an passé, la fusion est désormais bien acceptée. «C’est vrai qu’il y avait des craintes autour de l’école, d’une absorption de notre village, d’une hausse des impôts» explique Jean-Marie, le président du club de pétanque local. «Mais dans le fond, on s’aperçoit qu’on peut profiter des richesses de Port-Jérôme-sur-Seine.» Virginie Carolo est convaincu que la diversité politique au sein de la commune nouvelle est un atout. «On apprend à se faire confiance et du coup, les projets avancent même plus vite que prévu.» Reste une frustration des habitants pour toutes les communes nouvelles, celle de ne pas avoir été consulté par référendum sur ces fusions. À chaque fois, les élus gênés, éludent la question, prétextant qu’il fallait faire vite pour profiter de dotations d’États incitatives.

Le seul à faire preuve d’honnêteté, c’est Jean-Michel Mortier, le maire de Mesnil-en-Ouche. «À la préfecture, on nous l’a déconseillé, car on était sûr de le perdre.» La commune nouvelle ou l’art d’administrer contre la majorité de ses habitants…

Philippe LENOIR

(1) Touffreville-la-Câble, Triquerville et Auberville-la-Campagne.

L’article de l’époque

Dans nos éditions du 15 novembre, nous faisions déjà un droit de suite sur les fusions de communes. En focus, nous évoquions le cas de Port-Jérôme-sur-Seine réunissant les communes de Notre-Dame-de-Gravenchon. À l’époque, si les élus, dont Virginie Carolo, future maire de la commune nouvelle, étaient très confiants sur la réussite, les habitants se montraient très inquiets, voire hostiles.