Quand Onur est arrivé à Neufchâtel-en-Bray à l’âge de 15 ans, il y a eu comme un choc des civilisations. Il arrive tout droit de Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines. “Je suis arrivé ici en cours d’année de ma seconde, en 2011. Dans ma classe, j’étais le seul typé “arabe” et il y avait une noire. Dans tout le lycée, on était quatre Turcs”, précise Onur, 19 ans aujourd’hui.
La mixité était tout aussi inconnue à Mantes-la-Jolie, mais de façon inversée. “J’ai toujours trouvé très bizarre qu’il n’y ait pas une majorité de Français dans ma classe et dans la ville.” Quand on lui fait remarquer que, comme lui, ils étaient certainement tout aussi Français, Onur précise : “Bien sûr, mais je veux dire les blancs“.
“Ça me faisait un peu mal, mais ça passe”
Ses deux parents sont originaires de Turquie et ont immigré en région parisienne. Onur est né en France et est arrivé dans la capitale brayonne lorsque “mon père a acheté son commerce”.
Les années passent et le jeune homme se dit “très bien ici, parce que la banlieue c’est jamais très accueillant. Les voitures brûlées, les raquettes, les agressions, j’ai connu”. A son arrivée, c’était une forme de violence : le racisme ou plus exactement la xénophobie de certains. “Ce n’était pas tous les jours, mais plusieurs fois on m’a dit : “Rentre dans ton pays” ou “Je vais voter Marine Le Pen pour te faire expulser”, alors que je suis pleinement Français. Ça me faisait un peu mal, mais ça passe”, confie Onur.
“Je pourrai aller à l’église pour me recueillir”
Son père ne prie “qu’occasionnellement dans les mosquées et je ne l’ai jamais vu prier chez moi. Maman s’y met depuis trois mois”. Lui, vient tout juste de se mettre à la pratique de l’islam. “J’ai commencé en janvier, parce que j’ai rencontré une personne qui m’a motivée.” Son parcours, son histoire, l’a amené à devenir pleinement musulman. Pas forcément évident de pratiquer sa religion en pays brayon où les disciples de Mahomet sont rares et les mosquées inexistantes. “Je préférerais avoir un lieu de culture, déjà parce qu’il y aurait un imam avec qui je pourrais discuter, apprendre. Je ne serai pas obligé de chercher des réponses sur internet”, regrette Onur. Mais l’absence de mosquée ne l’empêche pas de prier cinq fois par jour “et au pire, je pourrai aller à l’église pour me recueillir. C’est un lieu de culte aussi”, annonce sans hésitation le jeune Onur.
Charlie Hebdo
On ne peut pas discuter de son intimité cultuelle sans évoquer les attentats de Charlie Hebdo. Onur a senti les amalgames, même ici à Neufchâtel, entre musulmans et terroristes. “Je ne soutiens pas le travail de Charlie Hebdo, parce que j’ai l’impression qu’il insulte ma religion, mais les musulmans n’ont rien à voir avec les terroristes. Il y a des milliers de vidéos sur internet qui montrent que le Coran ne dit jamais de tuer. Je suis contre toute forme de violence”, argumente Onur, encore fragile dans l’apprentissage de sa religion, se référant plus souvent au web qu’aux livres, mais avec la soif d’apprendre et la sincérité de la jeunesse. Des références certainement liées à sa future formation : la programmation informatique. Onur se prépare à découvrir une autre France, à Nîmes. Il quittera le pays de Bray pour la rentrée de septembre.