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La France est-elle vraiment exemplaire en matière d’écologie ?

Le Monde.fr | 06.01.2015  | Par  Audrey Garric, Pierre Le Hir et Martine Valo

François Hollande, qui affiche depuis peu une fibre écologique dont il n’avait guère fait montre depuis le début de son quinquennat, était très attendu sur les sujets environnementaux lors de son entretien sur France Inter lundi 5 janvier.  A onze mois […]

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Le Monde.fr | | Par  Audrey Garric, Pierre Le Hir et Martine Valo

François Hollande effectue sa rentrée médiatique sur France Inter lundi 5 janvier.

François Hollande, qui affiche depuis peu une fibre écologique dont il n’avait guère fait montre depuis le début de son quinquennat, était très attendu sur les sujets environnementaux lors de son entretien sur France Inter lundi 5 janvier.  A onze mois de la conférence mondiale sur le climat dont Paris sera le théâtre en décembre, il a notamment déclaré : « La France est exemplaire en matière d’écologie ». Qu’en est-il vraiment ?

  • Des émissions de CO2 sur la bonne trajectoire

En 2012, les émissions de gaz à effet de serre nationales se sont élevées à 490 millions de tonnes équivalent CO2, selon le ministère de l’écologie, soit une diminution de 12 % par rapport à 1990, année de référence pour les engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto. La France a ainsi parcouru plus de la moitié du chemin qui doit conduire l’Europe à une baisse de 20 % d’ici à 2020.

Le ministère précise que, par habitant, la diminution est de 26 % entre 1990 et 2012, alors que la population française a augmenté de 12 % sur la même période. Il y voit le fruit de « l’ensemble des mesures d’atténuation, notamment l’amélioration des procédés industriels, l’isolation renforcée des bâtiments, le recours aux énergies renouvelables… »

Pour autant, l’empreinte carbone des Français, qui prend en compte les émissions générées à l’étranger lors de la fabrication et le transport de biens et de services importés en France, continue de croître. En 2010, elle représentait 733 millions de tonnes équivalent CO2, en hausse de 11 % par rapport à 1990.

En outre, les dernières statistiques mondiales du Global Carbon Project, publiées en septembre 2014 et portant sur le seul CO2 (et non pas sur l’ensemble des gaz à effet de serre, dont font aussi partie le méthane ou le protoxyde d’azote), révèlent que les émissions de la France sont légèrement reparties à la hausse en 2013. Elles ont atteint 344 millions de tonnes, contre 341 millions en 2012. Au niveau européen, la France se classe au quatrième rang des pays émetteurs de CO2, derrière l’Allemagne (759 millions de tonnes), le Royaume-Uni (462) et l’Italie (353), et devant la Pologne (312) et l’Espagne (240).

Des techniciens installent une éolienne à Calais en décembre 2014.
  • Un retard sur les objectifs d’énergies renouvelables

L’Hexagone doit – beaucoup – mieux faire au chapitre des énergies renouvelables. En 2013, leur part dans la consommation finale d’énergie a atteint 14,2 %, principalement à partir du bois-énergie et de l’hydraulique. C’est, souligne le ministère de l’écologie, une hausse de 5 points par rapport à 2005. Mais la France est encore loin de l’objectif de 23 % en 2020.

« Malgré sa volonté affirmée et le contexte favorable au développement des énergies renouvelables, la France prend du retard », s’inquiète le Syndicat des énergies renouvelables (SER). Il estime qu’au rythme actuel, la part des filières vertes « pourrait ne s’élever qu’à 17 % » à la fin de la décennie. Il va donc falloir redoubler d’efforts pour espérer parvenir aux nouveaux objectifs, très ambitieux, fixés par la loi sur la transition énergétique, qui prévoient 32 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2030.

La France se classe 13e des pays européens du point de vue des énergies renouvelables.

Selon les derniers chiffres de l’observatoire des énergies renouvelables Observ’ER, au sein de la classe Europe, la France n’affiche aujourd’hui qu’un résultat moyen, très loin des scores de la Suède (52,4 % d’énergies renouvelables en 2012), la Lettonie (34,9 %), la Finlande (34,4 %), l’Autriche (31,9 %), l’Estonie (27,8 %), le Danemark (26,3 %) ou le Portugal (24,7 %). A l’échelle mondiale, les ressources renouvelables représentaient, fin 2012, plus de 26 % de la capacité énergétique.

  • Une qualité de l’air à améliorer
Si la pollution de l’air en France est loin d’attendre les niveaux de pollution de l’air — « airpocalypse » — chinois ou indiens, elle n’est pour autant pas « exemplaire ». Avec une moyenne de 25 microgrammes par mètre cube (µg/m3) pour la concentration moyenne annuelle de particules fines PM 10 (d’un diamètre égal ou inférieur à 10 micromètres) dans l’air, elle se situe même juste au-dessus du seuil maximum fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de 20 µg/m3, selon une base de données sur la qualité de l’air dans 1 600 villes de 91 pays, établie par l’agence onusienne et publiée en mai.
Les meilleurs élèves de la classe sont ainsi l’Islande (9 µg/m3), le Canada, la Finlande, la Norvège, le Royaume-Uni, les États-Unis ou l’Australie. A l’inverse, le Pakistan, l’Afghanistan, l’Inde, la Chine, la Mongolie et l’Iran font partie des pays les plus à risque.

Concentration annuelle en particules fines PM10 dans 1 600 villes de 91 pays, entre 2008 et 2013.

La France ne respecte pas non plus les limites annuelles de l’OMS pour les particules PM 2,5 (10 µg/m3), plus dangereuses car pénétrant plus profondément dans les poumons, ni celles d’ozone (100 µg/m3 au maximum sur 8 heures). Selon une étude de l’Institut de veille sanitaire de 2012 portant sur 9 villes françaises, représentant 12 millions de personnes, le respect des normes de concentration pour les PM 2,5 pourrait éviter 2 900 morts prématurées par an.

La prolifération des algues vertes sur la plage de Hillion (Côtes-d'Armor) s'explique par la pollution des eaux chargées en nitrates dont sont responsables les déjections porcines.
  • Une eau de piètre qualité

Terre agricole, la France ne parvient pas à restreindre son appétit pour les intrants, engrais comme pesticides. Au contraire : la dernière note de suivi du plan Ecophyto, destiné à encourager des pratiques plus économes, indique une augmentation de 5 % des produits phytosanitaires entre la période 2009-2011 et 2011-2013. Elle révèle même qu’en 2013, l’agriculture en a utilisé 9,2 % de plus que l’année précédente.

Les résultats sont si décevants que le premier ministre avait confié en 2014 au député (PS, Meurthe-et-Moselle) Dominique Potier une mission de réflexion sur les moyens de « donner un nouvel élan » à une politique qui repose uniquement sur les exemples vertueux et le bon vouloir des exploitants agricoles. Celui-ci a remis, en novembre 2014, son rapport au gouvernement. Il ne comporte guère de mesures contraignantes lui non plus. Dans les campagnes, en particulier dans les territoires viticoles, les riverains s’inquiètent pour leur santé.

En attendant qu’un éventuel nouveau train de mesures ne produise des effets substantiels, l’eau des rivières et des nappes souterraines continue d’enregistrer des taux record de nitrates, produits essentiellement par l’excès d’engrais azotés. Ce phénomène dope les proliférations d’algues, en particulier sur le littoral envahi par des marées d’ulves et oblige à abandonner des captages d’eau potable.

A Bruxelles, la Commission européenne se fâche. Elle a saisi la Cour de justice de l’Union européenne qui menace la France de lourdes sanctions financières si celle-ci ne muscle pas son plan d’action destiné à améliorer la qualité de ses eaux et si elle continue de ne pas faire respecter la directive européenne sur les nitrates. La ministre de l’écologie Ségolène Royal bataille actuellement pour faire accepter à la profession que 70 % des surfaces agricoles soient classées « zones vulnérables », ce qui revient à y imposer des pratiques agronomiques plus rigoureuses. En Europe, l’Allemagne, la Grèce, la Pologne sont elles aussi sous le coup d’un premier recours en manquement pour des questions de nitrates, comme l’Espagne l’est au titre de la protection de l’eau.

La France saura-t-elle se donner les moyens de redresser la situation avant de subir une condamnation européenne ? Chargées de veiller sur le terrain à l’amélioration de la qualité des nappes et des rivières, les agences de l’eau ont protesté en décembre contre la ponction « exceptionnelle » du gouvernement sur leurs budgets de 175 millions d’euros par an en… 2015, 2016 et 2017.

 

Un pêcheur français de coquilles Saint-Jacques, face à la côte de Port-en-Bessin-Huppain, en décembre 2014.
Un pêcheur français de coquilles Saint-Jacques, face à la côte de Port-en-Bessin-Huppain, en décembre 2014. | AFP/CHARLY TRIBALLEAU
  • Des flottes de pêche sur la sellette

Sur la scène internationale, la pêche française est souvent critiquée par les associations de défense des océans. Elle l’est certes moins que la filière espagnole, dont les flottes sont présentes en force tout autour du globe, mais elle a la particularité de s’obstiner à poursuivre la pratique très controversée du chalutage en eaux profondes. Cette pêche, très minoritaire,est régulièrement défendues par les gouvernements français successifs auprès de la Commission européenne,   alors que celle-ci avait fait part dès 2012 de son souhait de la supprimer deux ans plus tard.

En novembre 2014, le Conseil européen des ministres chargés de la pêche a décidé d’accorder à nouveau des quotas de pêche en eau profonde, au grand dam des ONG. En décembre, au moment de fixer cette fois les autorisations de tonnages pour l’ensemble des espèces pêchées dans l’Atlantique, la France comme l’Espagne se sont félicitées d’avoir obtenu des tonnages supérieurs à ce proposait la Commission européenne. Or celle-ci avance déjà des taux de capture supérieurs à ceux que préconisent les scientifiques pour laisser aux poissons le temps de se reproduire.

  • Une biodiversité à la peine

La loi sur la biodiversité, annoncée lors de la première conférence environnementale de 2012 comme l’une des trois grandes lois écologiques du quinquennat, avec la transition énergétique et la réforme du code minier, n’a encore pas été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale alors qu’elle aurait dû être adoptée en 2013. François Hollande l’a seulement annoncée pour le printemps 2015. L’agence française pour la biodiversité, mesure phare de la loi, est seulement en train d’être préfigurée.

Si la France dispose d’une vingtaine d’outils et de statuts de protection des espaces naturels, tels que les parcs nationaux (au nombre de dix), les parcs régionaux (48), les réserves naturelles (301) ou les sites Natura 2000, reste que seulement 1,4 % du territoire métropolitain terrestre est aujourd’hui « sous protection forte », selon le rapport statistique annuel 2014 du ministère de l’écologie. Tous types de protection confondus, terrestres ou maritimes, les aires protégées s’élèvent à 17 % du territoire français, selon les données du fonds des Nations unies pour l’environnement. La France est donc à la traîne par rapport à l’Allemagne (42 %) ou au Royaume-Uni (26 %), mais en avance sur l’Italie (15 %), les Pays-Bas (12 %) ou l’Espagne (9 %).

Avec 1 048 espèces mondialement menacées présentes sur son territoire, la France se situe par ailleurs parmi les 10 pays les plus concernés par l’érosion de la biodiversité (avec l’Équateur, les États-Unis, la Malaisie, l’Indonésie, le Mexique, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Australie), du fait de sa présence dans les outre-mer et en Méditerranée, « points chauds » de la biodiversité.

  • Les dépenses de protection de l’environnement en forte hausse

En 2012, 47,5 milliards d’euros ont été consacrés à la protection de l’environnement en France, soit un montant trois fois supérieur à celui de 1990. Cette somme provient à 40 % des entreprises, à 28 % des ménages et à 32 % des administrations publiques, selon le rapport statistique annuel 2014 du ministère de l’écologie. Principaux secteurs financés : la gestion des déchets et l’assainissement des eaux usées (62 % des financements), loin devant l’air, la lutte contre le bruit, la biodiversité ou les sols et les eaux. La France se plaçait, en 2010, au quatrième rang de l’Union européenne pour ses dépenses en faveur de l’environnement ramenée au nombre d’habitants, derrière l’Autriche, les Pays-Bas et l’Italie, et en 5e position rapportées au PIB – derrière les Pays-Bas, Malte, la République tchèque et le Luxembourg.

Le budget du ministère de l’écologie lui-même subit toutefois une nouvelle érosion en 2015, en passant de 7,06 milliards d’euros en 2014 à 6,65 milliards d’euros (-5,8 %). Une décrue qui s’accompagne d’une perte de 515 postes.

 

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